Le trans-générationnel en kinésiologie
Les techniques complémentaires sont régulièrement sujettes à des “modes”. Il y a la mode de l’énergétique : mot un peu fourre-tout avec lequel on tente parfois de justifier quelque chose qu’on ne sait expliquer. Et on trouve également la mode du transgénérationnel : un traumatisme vécu par nos ancêtres qui se serait transmis de génération en génération (voire qui peut sauter plusieurs générations) et dont on souffrirait au temps présent.
Transgénérationnel et épigénétique
Quand on parle de transgénérationnel, on fait souvent référence à un transfert de trauma d’une génération sur une autre. Par exemple, mon arrière grand mère a été déportée et je peux aujourd’hui souffrir de séquelles de cet événement. Alors, en effet, les dernières études faites en épigénétique corroborent cela. Mais c’est loin d’être aussi simple.
L’épigénétique qu’est ce que c’est ?
L’épigénétique est une science qui étudie l’influence de l’environnement sur l’expression des gènes. Nous avons tous une séquence d’ADN faites de milliers de gènes. L’épigénétique étudie principalement comment ces derniers s’expriment et s’activent ou se désactivent en fonction de l’environnement dans lequel on évolue. L’environnement aurait donc un impact sur notre “configuration génétique” sans pour autant changer notre ADN.
De génération en génération, le transgénérationnel
Si je reprends l’exemple de mon arrière grand mère, Lucette, le fait d’avoir vécu la déportation (environnement) a peut-être modifié certaines expressions de gènes. En effet, certains se sont activés et d’autres désactivés, créant une nouvelle “configuration génétique”. Cela permet au corps de fournir une réponse adaptée à son environnement. Par exemple, sécréter moins de cortisol, une des hormones du stress, pour protéger les organes et le cerveau d’un stress trop intense. Cependant, par la suite, cette nouvelle “configuration génétique” l’a rendue plus facilement sujette à de la dépression.
Lorsque Lucette a eu ma grand-mère, Geneviève, elle a pu donc lui transmettre une partie de ses gènes et de cette “configuration génétique”. Geneviève aura donc un terrain potentiellement plus favorable à la dépression. De plus, si transmission il y a, Lucette ne transmet pas un « trauma » à Geneviève mais une caractéristique génétique, comme elle lui a transmis sa couleur d’yeux. Aussi, un évènement traumatisant a pu créer une modification épigénétique transmise de génération en génération. Mais en aucun cas, les mémoires traumatiques se transmettent telles quelles, comme on ferait un transfert d’une clé USB à une autre. On ne peut donc pas souffrir directement du trauma de nos ancêtres, mais l’expression de nos gènes peuvent en être la résultante.
Transgénérationnel et kinésiologie
En kinésiologie, on peut utiliser la “récession d’âge” pour activer le ou les schémas neuronaux impliqués dans la problématique. Certains kinésiologues vont, par ce biais, aller jusqu’à interroger les générations antérieures à celle du client.
Sortir de son champ de pratique
A mon sens, le principal problème de ce genre de pratique c’est que ça peut vite être sujet à dérive : des choses invérifiables et qui tiennent sur des suppositions de la part du praticien. En effet, en tant que kinésiologue, nous n’avons pas vocation à expliquer pourquoi le client est confronté aujourd’hui à sa problématique. C’est le rôle du psychologue ou du médecin. Eux seuls seront à même de faire des liens entre ce que a été vécu par le passé et expliquer comment cela peut encore avoir un impact aujourd’hui.
Aussi, travailler avec des notions transgénérationnelles serait, pour moi, dépasser mon champ de pratique. Je préfère utiliser des éléments vécus par le client. Ainsi, il a la possibilité d’investir le souvenir émotionnellement et sensoriellement parlant.
Déposséder le client de son pouvoir personnel
Le transgénérationnel peut être une manière de justifier certains éléments présents par des évènements passés vécus par d’autres personnes. Aussi, en procédant ainsi, on déresponsabilise la personne. Et cela crée un sentiment d’impuissance. On la dépossède de sa capacité à changer et à agir sur sa problématique.
A mon sens, il est bien plus pertinent de se baser sur des éléments que le client peut investir émotionnellement et ressentir. L’activation neuronale sera bien plus importante sur ce type de souvenirs concrets. Et cela permet également au client de se sentir plus enclin à exploiter ses propres ressources.
Les pratiques dites “transgénérationnelles” sont bien souvent une simplification excessive de cette science qu’est l’épigénétique. Elles peuvent être sujettes à des dérives de la part des praticiens et déposséder la personne de ses capacités à créer le changement dans sa vie. D’où l’importance de se rappeler quel est le cœur de notre métier. Le rôle du kinésiologue est de lever les différents types de blocages qui empêchent le système nerveux de se réguler dans certaines situations. Aussi, il n’est pas nécessaire d’aller fouiller dans des temporalités antérieures à la personne pour cela. Le meilleur matériel est celui qui est le plus tangible pour le client.